Ruine

Voici la ruine, le mur d'une autre vie
où les épaules se sont appuyées, après
le travail. Un chemin la traverse maintenant,
chemin aux vaches dit-on,
l'herbe résiste par endroits -- comme l'a fait
longtemps la pierre. La fibre tendue
entre les pouces sifflait verte  dans l'air
en le coupant.
On bâtira encore dans cette sauvage
campagne, les lieux perdus porteront
des noms de rues, des plaques numérotées
au cou des maisons. Puis reviendront
les épaules contre celles des enfants, dans
un pays minime surpris lors d'un soubresaut.



Poème extrait de SAUF, éd. du Cygne, février 2021

Témoin

 

Quand les prés auront blanchi, je pourrai

noircir de sommeil, être la souche


d'une terre enfin libérée par l'oubli,

le seul témoin de la vie.


Comme le font les racines sondant

à l'aveugle une source lointaine, je glisse


vers la première présence. Est-elle

encore née – elle arrive pourtant, jamais vue.


Et même, avant que ne parvienne la bonne nouvelle,

le fond des choses remue ; le rouge petit s'agite


au cœur des champs jaunes, avec le vent. Fleur ou cœur.

On se précipite pour la recevoir, nouvelle ou personne.

Ecluses

On descend peu à peu, sur la terre 
montante marche la vie en sabots : 
d'eux surgissent les chevaux parfois
humains et tout éclat bruyant 
que l'on craint de perdre. 
Mais la raison alerte et au carrefour 
confus des moitiés, les portes s'ouvrent 
puis, des murs verts ruisselants, les écluses.

Paru dans la revue Osiris, n°92.



A corps ouvert


Tu arrives en défrichant la forêt de mes pensées,

le projectile renverse les quilles et en l'espace

de secondes que je ne sais compter,

il résulte du choc une source qui n'est ni fleuve

ni rivière. C'est une sensation torrentielle, pourtant,

elle ne mouille pas, elle m'assoiffe puis m'absorbe.

Revenant en moi, pétri par ce réflexe de survie,

mes haillons sont mon plus beau vêtement.


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