TRADUCTIONS

Un poème de Mario Meléndez ( Traduction de Fabrice Farre)


Moi je suis l'enfant qui joue avec l'écume
des mers expulsées
Sur cette plage bordée de mouettes
j'étire mes bras comme de lâches filets
tandis que les vagues pincent mes rêves
et une seule larme se brise contre les rochers
Les récifs se penchent sur la rive
ils viennent danser pieds nus sur mon âme
et ils portent sur leurs lèvres des algues et des coraux
la levure de la mer devenue baiser
Moi je remue mes pieds alors
comme deux vieilles rames
mon cœur est un océan de visages et de mains
et j'entre en lui sans m'en rendre compte
avec mon lot de sable
accroché à la barre du vent
à la proue des années
où une voix qui n'est pas ma voix
lève l'ancre de cette petite embarcation
qui s'éloigne avec mon enfance à son bord



Yo soy el niño que juega con la espuma
de los mares desahuciados
Por esa playa embanderada de gaviotas
yo estiro mis brazos como flojas redes
mientras las olas pellizcan mis sueños
y una sola lágrima revienta contra las rocas
Los arrecifes se asoman a la orilla
vienen descalzos a bailar sobre mi alma
y en sus labios traen algas y corales
la levadura del mar convertida en beso
Yo muevo mis pies entonces
como dos viejos remos
mi corazón es un océano de rostros y de manos
y yo entro en él sin darme cuenta
con mi equipaje de arena
aferrado al timón del viento
a la proa de los años
donde una voz que no es mi voz
eleva el ancla de este pequeño barco
que se aleja con mi infancia a bordo

*

Un poème d'Eugenio Montale (1896-1981) à sa femme Drusilla Tanzi (1885-1963), extrait de SATURA.

(Traduction de Fabrice Farre)

J'ai descendu, en te donnant le bras, au moins un million d'escaliers
et maintenant que tu n'y es pas c'est le vide à chaque marche.
Même ainsi notre long voyage a été bref.
Le mien dure encore, je n'ai plus besoin
des correspondances, des réservations,
des pièges, des humiliations de celui qui croit
que la réalité est celle que l'on voit.

J'ai descendu des millions d'escaliers en te donnant le bras
non pas parce que quatre yeux voient peut-être davantage.
Avec toi je les ai descendus car je savais que de nous deux
les seules vraies pupilles, bien que très voilées,
c'étaient les tiennes.



Ho sceso, dandoti il braccio, almeno un milione di scale
e ora che non ci sei è il vuoto ad ogni gradino.
Anche così è stato breve il nostro lungo viaggio.
Il mio dura tuttora, nè più mi occorrono
le coincidenze, le prenotazioni,
le trappole, gli scorni di chi crede
che la realtà sia quella che si vede.
Ho sceso milioni di scale dandoti il braccio
non già perché con quattr'occhi forse si vede di più.
Con te le ho scese perché sapevo che di noi due
le sole vere pupille, sebbene tanto offuscate,
erano le tue.


*


Aux cailloux des chemins, avec Frédérique Germanaud en italien (extraits de Se mettre à table/ Sedere a tavola), été 2023.






margelles n° 15, avec Federico Garcia Lorca (trois solitudes de Poeta en Nueva York / Poète à New-York), automne 2023.




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