Trois textes publiés dans FPM, n° 26 (revue sous la direction de Jean-Claude Goiri)
Pour découvrir le site de la revue : ICI |
Trois textes publiés dans FPM, n° 26 (revue sous la direction de Jean-Claude Goiri)
Pour découvrir le site de la revue : ICI |
Patrice Maltaverne dirige les éditions du Citron gare qu'il présente.
Sophie Brassart (peintre et poète, illustratrice du recueil) et Patrice Maltaverne lisent les poèmes de Fabrice Farre extraits du recueil LE CHASSEUR IMMOBILE.
Avant que ta vue ne soit rétablie,
pendant ces années où tu vivais de
noir et de blanc, tout près du gris souvent,
l'existence selon toi répétait sans fin le premier jour. Puis,
un jour neuf, le huitième d'une semaine
nouvelle, en levant les yeux tu aperçus
les piments sauvages qui séchaient à la fenêtre
avec leur rouge criard.
L'auteur sera présent au stand 604 des Editions du Cygne, à l'occasion du Marché de la poésie de cette année 2021.
Poème inclus initialement in CINQ FOIS, Leporello en compagnie de Philippe Agostini, Collection " Les beaux jours ", 2020.
C'est parce que le désert s'est retourné
sur lui-même qu'il ne voit que le désert.
A l'arbre répond l'hôte absent, semblable
à une ombre née du mirage. La solitude marche
à reculons, traduisant le sable
de sa langue étrangère.
Voici la ruine, le mur d'une autre vie
où les épaules se sont appuyées, après
le travail. Un chemin la traverse maintenant,
chemin aux vaches dit-on,
l'herbe résiste par endroits -- comme l'a fait
longtemps la pierre. La fibre tendue
entre les pouces sifflait verte dans l'air
en le coupant.
On bâtira encore dans cette sauvage
campagne, les lieux perdus porteront
des noms de rues, des plaques numérotées
au cou des maisons. Puis reviendront
les épaules contre celles des enfants, dans
un pays minime surpris lors d'un soubresaut.
Poème extrait de SAUF, éd. du Cygne, février 2021
Quand les prés auront blanchi, je pourrai
noircir de sommeil, être la souche
d'une terre enfin libérée par l'oubli,
le seul témoin de la vie.
Comme le font les racines sondant
à l'aveugle une source lointaine, je glisse
vers la première présence. Est-elle
encore née – elle arrive pourtant, jamais vue.
Et même, avant que ne parvienne la bonne nouvelle,
le fond des choses remue ; le rouge petit s'agite
au cœur des champs jaunes, avec le vent. Fleur ou cœur.
On se précipite pour la recevoir, nouvelle ou personne.
Tu arrives en défrichant la forêt de mes pensées,
le projectile renverse les quilles et en l'espace
de secondes que je ne sais compter,
il résulte du choc une source qui n'est ni fleuve
ni rivière. C'est une sensation torrentielle, pourtant,
elle ne mouille pas, elle m'assoiffe puis m'absorbe.
Revenant en moi, pétri par ce réflexe de survie,
mes haillons sont mon plus beau vêtement.
Le bruit discret retentit sur
la rue maintenue par les murs
de ma maison : histoires de vie,
valises, fardeau ou nécessaire
de voyage que tire la main affairée.
L'accueil n'a pas de porte, tout
peut entrer dans le vestibule inquiet
de l'oreille.
Toucher à la terre peuplée de dragonniers et de cailloux,
la part qui revient à chacun avant d'entrer.
Avant d'entrer dans le monde
d'un pays, d'une ville ou d'une chambre
sur toi ma pensée, ma pensée sur toi se pose, alors
elle me touche de ta main.
Je ne t'ai jamais autant ressemblé, ta différence
me reconnaît. Je te rends, ainsi, ce qui m'appartient
et que tu me cèdes aussitôt, selon la loi de la joie,
de la joie qui marche en notre compagnie. Elle
murmure à grands cris, murmure par pudeur,
s'exclame dans nos gestes qui nous font
avancer. Halte, en temps de halte le lieu
nous considère en nous fixant ; par toi
je peux naître enfin, en m'oubliant, telles
sont tes paroles que je fais miennes.
Alors, pour qu'entre le grand dehors
sous l'accord qui nous lie, les fenêtres s'ouvrent
en nous. Visible d'ici, la place sous le ciel est faite
de ceux que nous ne connaissons pas. Nous savons pourtant
qui ils sont, parce qu'ils ignorent tout de nous.
L'ignorance, de chair et d'os, nous rend présents.
Sur moi, ta pensée se pose sur moi, elle te touche
d'une promesse jurée que je t'ai volée.
J'occupe une maison dans une maison,
celle où l'on pense jour par jour.
Les images des enfants ne font
que passer, il n'y a aucun tableau.
Les murs sont blanchis à la chaux
de l'amour qui brûle et parfois
rassérène. La veille du lundi
et du vendredi je prépare un déjeuner
pour un convive que j'aperçois
dans les formes mobiles du quotidien.
A paraître, avec cinq autres poèmes, dans la revue américaine OSIRIS, en juin 2021
Dans l'escalier qui regagnait le ciel,
le cycliste de tout à l'heure portait
son vélo sur le dos, avec une grâce
facile. Les années où j'avais roulé
étaient passées, le temps que je monte
jusqu'à la dernière marche.
*
L'effort collectif permit l'ascension
de la nouvelle pente. Les badauds
de couleurs portaient leurs cris
essaimés au-dessus de leur tête,
tandis que l'exultation, comme
goutte froide, tombait noire
sur la route.
Le gruppetto
se détacha, tout à coup apparu
au refus de l'amertume.
Mange Monde, n° 7 de 2014.
Jamais les autres, mais sans eux
tu ne serais pas. Tu traverses
les murs, regagnes les toits sans
bruit. Ton voisin ignore-t-il si
la présence peut ne pas exister
et que le vertige est grand si l'on
se penche depuis ton balcon gardé
par une sentinelle ordonnée de cactus.
Tu
te précipites sans prévenir,
il
n'y a de place aujourd'hui
que
pour les objets ressassés
avant
le désert du faune.
Eux
libèrent s'ils éprouvent,
l'oubli
les soulève enfin,
ce
sont des papiers que colore
ton
allure de carton-pâte.
L'éditeur Bruno Guattari publie de la poésie : des recueils, la revue margelles et les Cahiers.
Pour découvrir le site : voici le lien.
Les
petits débris roulent
sous
les doigts : l'or
brille
ou s'éteint bien que
l'œil
soit averti. L'eau,
en
tournant, écarte
le
pur de l'impur,
elle
retient le meilleur,
l'orpailleur
l'a dit.
Christophe Sanchez en fait une lecture (lien en cliquant sur l'image ou au bas de la photo)
![]() |
Une lecture de C. Sanchez |
Jamais je n'ai mieux été que toi-même,
oubliant une brève vie pendant le temps
qu'il faut au néant pour l'éclairer. J'ai prononcé
avant toi des mots qui m'auraient révélé moindre, plus
infime dans les trois silences entre deux cailloux.
Le bruit de toi se surprend à être le bruit de l'autre.