La revue Osiris, n°90 - juin 2020


Rédaction : Andrea MOORHEAD
Conception graphique : Robert MOORHEAD





Ont participé à ce numéro 90 : SIMON ANTON DIEGO BAENA, ALAN BRITT, ASTRID CABRAL, KARIM DE BROUCKER, ABDERRAHMANE DJELFAOUI, FABRICE FARRE, CHRISTOPHE FRICKER, AARON HELFAND, JOSEPH HORGAN, MARIA GRAZIA INSINGA, TONY LEUZZI, ALEXIS LEVITIN, FRANCA MANCINELLI, PANSY MAURER-ALVAREZ, MICHAEL MIROLLA, ANDREA MOORHEAD, ROBERT MOORHEAD, BIBHU PADHI, PATTY DICKSON PIECZKA, MATTHIAS POLITYCKI, FRANCES PRESLEY, PAUL B. ROTH, SILVIA SCHEIBLI, JORGE RODRIGUEZ-MIRALLES et JOHN TAYLOR.

PULLMAN


Elle disait le pullman, cet animal mécanique
et jaune qui arrivait en klaxonnant ; celui qui repartait
dans la roche percée par le ciel pour rejoindre
les bruits de la ville, chargé de visages qui parlaient
le même langage que là-bas, de l’autre côté où le soleil
n’a pas de trêve. Quand au retour Andrea en descendait,
de cette ville inconnue, assise froissée à ses côtés sur un siège du pullman,
la vie et l’enfance meilleure, le désordre d’une joie loin de tout, étaient en vrac dans ses sacs de toile qu’il ouvrait d’un coup, généreusement, et c’étaient les mêmes sacs que les ouvriers gardaient jalousement sous le bras pour aller travailler. Un jour nous étions tous partis par le pullman, et elle aussi. (Elle répète encore, je l’entends, « le pullman, le pullman »).


Continuum

La fin dans le continuum, la rupture à vrai dire,

l'averse dans le cœur d'été, l'ouragan fils de l'émotion

et tout semble tout à coup effrayant. La bouche proche

de la joue me chuchotait. Un souffle chaud faisait

frémir les buis plantés sur le chemin incliné. Au pied

des arbres émondés, les jardiniers aux mains jaunes

rassemblèrent les défaites sans couleur. J'aurais dû

répondre à son intention, lorsque je fus murmuré,

sans attendre. Mais on ne regrette pas, 

on se tait et on dit que c'est guérir.


Lessives étendues : Anthologie de terre à ciel (45 auteurs, 2017)

Le jour suivant



Prépare le matin pendant que dort le ciel du bocage, au-dessus des hêtres ébouriffés. Dehors encore est petit comme un mouchoir de poche. Laisse entrer dans tes mains les mains précédentes. Les gestes durent, après ceux des mères incalculables, ainsi jusqu’au monde inhabité. Le blanc s’étale alors dans la vapeur du souffle, comme l’hiver en une saison chaude. Les haies s’amenuisent, laissant entrer le chemin vicinal : la prairie voisine se remplit de maisons. Le blanc suinte, s’agrège, coule et saute, poussé par l’effort. Il a l’odeur de la joie, la largeur du travail par la longueur du rire des ombres légères. Sur le fil courent les draps. L’aube, à cette heure, s’éteint comme une lampe molle. Le ciel se déleste et claque. L’ordre tacite du devoir est une injonction à la vie : le matin se déclare. Quelle est donc cette vision. Un linceul ébloui ou un visage simple. Mère, ma mère, laver et blanchir ont tout du premier langage.


Fabrice Farre <Lien>


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TOUS LES TEXTES SONT PROTÉGÉS [page WIKIPEDIA]. Ils sont la propriété exclusive de Fabrice Farre.







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